miércoles, 24 de octubre de 2012

Haïku de pacotille.1.L'amour imprudent.





 
Bogota la noire
Sous la pluie elle rit encore
Me montre du doigt

Le soleil s’en va
Des bus passent sous la porte
Je crache leur fumée

Sur ma table
Un verre d’alcool me désole
Une guêpe se noie

Les lumières s’allument
Je reste clouée sous le plafond
Chronomètre lancé

Les bombes explosent
Réponse dans le réfrigérateur
J’ouvre le freezer

Nuages cotonneux
Le cerveau en demande plus
Cigarettes écrasées

Le stylo glisse
Permanent sur le papier
Et je déglutis

Un autre verre
Je reviens de la cuisine
Coussin moelleux

L’amour imprudent
Peu importe la raison
 Des glaçons fondent

Dans l’écriture
Je risque alors ma vie
Brèche ouverte

 

 

 

 

miércoles, 17 de octubre de 2012

Les écureuils.



C’est juillet.

J’ai cinq ans et mon frère douze.

J’ai le droit de me promener en maillot de bain tous les jours. Je peux jouer avec le tuyau d’arrosage. Aussi.


Je suis mon frère partout parce qu’il fait toujours des trucs incroyables.


C’est le mois des cerises dans le jardin de la propriétaire de la maison de ma grand-mère.
La proprio nous autorise, nous les pauvres, à faire la cueillette. Et puis on partage la récolte.
Moitié pour elle parce qu’ils sont deux, moitié pour nous parce qu’on est six.
Après, on met tout en bocaux. Ça prend des plombes.


Ma mère grimpe, grimpe très haut dans l’arbre. Elle a cinquante ans mais c’est un écureuil.
La proprio, elle, elle ne sait pas embrasser les arbres. Elle reste au pied, les pieds fixés dans la terre et le cul trop lourd.

Ma maman, elle, elle vole et sa tête apparaît entre les feuilles. Disparaît et apparaît. Toujours plus haut et moi je l’aime.

Moi j’ai le droit de faire le pitre sur l’escabeau. Et si tu te fais mal, tu ne viendras pas chouigner.

Mon frère est en short, torse nu, je l’aime aussi mon frère. Il fait toujours des trucs incroyables.
Ils roulent ses yeux blancs pour me faire peur. Il lève la roue de son vélo et roule, roule, roule.
Il tire aux fléchettes, fait péter des pétards, écrabouille les limaces.
Il m’accroche dans les arbres quand il ne veut plus que je le suive comme un toutou. Je braille. Trop tard, il est parti. Il revient me chercher, longtemps plus tard.
Il construit des toboggans en carton dans les escaliers. Il fait dégouliner sa bave au coin des lèvres pour me dégouter. Mais ma mère n’a jamais le temps de le voir. Je braille.

Les cageots se remplissent et je me fais des boucles d’oreille avec les cerises.

Je suis la fille de ma maman et seulement de ma maman.

Plus tard, moi aussi, je serai un écureuil volant.
Mon poil sera beau, brillant et je ramasserai plein de noisettes que j’irai planquer dans la forêt.

Personne ne les trouvera, et les riches peuvent aller se faire foutre.






 
 

 

lunes, 15 de octubre de 2012

Pretium doloris.


Pretium doloris.



 

Douleur
inévitable
intransmissible
inhérente à la vie même
appartient à toute les espèces vivantes.

Douleur
une place au bord
transcender ou se désintégrer
ne pas prendre en compte
avec le temps
croître
temps amenuise
doigt dans l'oeil
vieille croyance
Douleur
maintes reprises
incertitude de vie
perdons le contrôle

Douleur
habite toujours corps
reçoit, on se plie en deux
temps s’arrête
surmonter vivre une modification

Douleur
raconter
ouvre perspective

Douleur 
abus de pouvoir
transforme en horreur
mécanismes de la parole
transformer la peur en courage

Victimes d’horreur
des survivants zombies, robotisés
aucune nation, seulement des individus
On oublie qu’on peut se défendre
On se dédouble
embrasser
réveiller une nouvelle voix.

se réintégrer
écarter ce qui divisait

donner une voix
à celle qui n'est plus
réécrire une biographie
une nouvelle possibilité de vivre.

Point à la ligne.


 

Funérailles.


Funérailles.

 

Je vais vous raconter une anecdote qui décrit bien le personnage. Et vous avez le droit de rire, ce n’est pas interdit.

Les protagonistes sont une petite fille de dix ans, un grand frère, et leur maman.
Le lieu : un appartement du dixième étage d’une tour appelée Bagatelle. L’année : 1982.
Dialogues entre eux:
La petite fille : Dis c’est grand comment la tour Eiffel ?
Le frère : Ch’ai pas. Trois cents mètres.
La petite fille : Ouais d’accord mais c’est grand comme combien de tour Bagatelle ?
Le frère : Ben c’est beaucoup plus grand.
La petite fille qui insiste : Ouais mais combien ? Deux fois, trois fois. Combien ? Dis-moi.
La mère, elle, elle fait la vaisselle.
Le frère : Ch’ai pas moi, comme six fois, sept fois…
La petite fille : Et l’Arc de Triomphe ?
Le frère : Pffff...
La petite fille : Et la colonne Vendôme ?
Le frère : Euh…
La petite fille : Et le génie de la Bastille ? Et le Sacré Cœur ? C’est grand comment ?
Et les questions défilent, défilent. A la vitesse d’un cerveau d’enfant…
Le frère : T’as jamais vu Paris, toi ?
La petite fille : Ben non.

Et la mère fait la vaisselle. Il est dix heures du soir et c’est samedi.

Le frère : Prépare ton sac et on y va.
La petite fille : On y va ?
Le frère : Oui, on y va. Direction Panam.

Tout le monde monte dans la golf Gti, orange et toute pourrie. Les portières ferment avec des tendeurs. Trente minutes plus tard, ils sont tombés en panne. La voiture crachait des flammes par le pot d’échappement. Et de l’huile aussi. Les voitures qui suivaient avaient dû mettre leurs essuie-glaces. Ils en prenaient plein la poire. Et puis tous les cents kilomètres, il fallait remettre un bidon d’huile pour que le moteur n’explose pas. La mère faisait des chèques en bois dans chaque station-service. Ils ont mis des heures pour arriver à destination. Là-bas, ils ont tout vu : la tour Eiffel, l’Arc de Triomphe, le Moulin rouge, le Sacré Cœur…

En courant, ils ont monté et descendu les Champs-Élysées. La petite fille, accrochée au bras de son frère, volait derrière lui comme un fanion.

Il avait des grandes jambes et elle, des toutes petites. La mère elle, elle se plaignait. Elle avait mal à ses oignons. La petite fille a pris toutes les mesures possibles : combien de tour Bagatelle, l’Arc de Triomphe, combien de tour Bagatelle, la colonne Vendôme…

Et puis, ils ont pris le métro. Ils sont montés en première classe avec des billets de seconde. Ils se sont pris une amende. La mère a gueulé, parce que quand même. Et elle a fait un chèque en bois. Un de plus, un de moins.

Ils sont passés voir les avions à Orly. Y avait même le Concorde. Celui qui traverse l’Atlantique.

Et puis ils sont retournés à Bagatelle avec la golf Gti, orange et toute pourrie. Ils ont mis des heures. La petite fille, elle, elle est allée directement à l’école. Ils l’ont déposée devant la grille en passant. Ce jour-là, c’était expression écrite. Elle a rédigé un texte ou plutôt un traité scientifique intitulé, je vous le donne en mille, « Mesure des monuments de Paris en unité tour Bagatelle. »

La mère elle, elle, est retournée à ses casseroles. Tampon Jex et Solivaisselle.
Et lui, il est retourné à ses bidouillages.
La petite fille, aujourd’hui, c’est elle qui donne des rédac aux élèves. Mais pas trop souvent parce que c’est chiant à corriger.
La petite fille, aujourd’hui, elle habite de l’autre côté de la mer.
Elle prend des avions comme on monte dans les Golf Gti. Orange et toute pourrie. Elle a le goût des voyages et des ailleurs.

On ne sait pas d’où ça vient. On ne sait pas d’où ça sort. Bizarre.
La mère, elle, elle est partie récurer les casseroles de Saint Pierre, il y a bien longtemps déjà. Et lui ? Me direz-vous. Avec un point d’interrogation.

Eh bien, il est là, étendu devant nous. Hommage. Maintenant je ne dirai plus qu’une chose : 
Que la terre te soit légère et que les flammes te soient douces ! Je te salue grand frère et bon voyage.

 

 

 

Aéroport.


Aéroport.


Un lieu de confluence. Des gens se confondent, se trouvent, s’égarent, se perdent à tout jamais, se séparent, se retrouvent. Des départs légers, d’autres à contre cœur. C’est la ligne de partage des eaux. Entre deux mondes, entre des centaines d’univers.

À chaque porte, une couleur de peau différente. Porte Lagos AV 21. Porte Nairobi, départ à 16h25 vol Air-France. Porte Bangkok, vol BGK 27. Des vêtements différents. Des familles différentes, mono parentales, familles nombreuses, célibataires, familles recomposées. Religions différentes. La latina sexy en short et talon aiguille. La qatarienne voilée. Des boubous, des sandales, des bottes, des anoraks…un point de confluence et une ligne de partage des eaux.

À chaque individu, une histoire. À chaque personne, un univers. Des halls vides, d’autres bourrés à craquer. Céramiques qui brillent sous les roues des chariots dans tous les aéroports du monde.

Une description bien banale.

Élevée à côté de la gare, je regardais les trains partir et je ne bougeais jamais. Ma mère vendait des journaux au relais tabac. Elle avait une paire de lunettes avec une seule branche. Virée du tabac journaux, elle s’est retrouvée à tenir le balai au milieu du hall. De nouvelles vendeuses plus jeunes avaient été embauchées. Plus belles, plus élégantes avec de jolies lunettes à deux branches.
Je jouais au milieu des allées, je courais entre les rangées de sièges en plastique. On ne bougeait pas, on ne voyageait pas. On se trouvait là, au milieu de la fourmilière, entre deux trains. En plein cœur de la zone de confluence. Mais en stand-by.


Aujourd’hui, j’écris sous la voûte de l’aéroport de XXXXX, demain à New York. Après-demain à Rio. Je prends un avion comme on prend le bus. Je fais le trajet Paris-Singapour tout comme avant, je faisais le trajet Appartement-Gare.
En pleine nuit, ma mère me portait sur son dos comme un baluchon. Jambes pendantes et yeux mi-clos. Je m’endormais un peu bercée par le rythme des pas. J’avais l’impression d’être sur le dos d’une grosse bête puissante. J’entendais son souffle et je voyais les petits nuages blancs sortir de sa bouche.

Je suis sous la voûte de l’aéroport de XXXXX mais avant tout, je suis sous la voûte du ciel.

sábado, 13 de octubre de 2012

Autoportrait.


 
 
Souple ? Oui, je le suis. Mais sans entraînement, je n’arrive à rien.
Réfléchir ? Cela demande des efforts donc je m’abstiens.
Dilettante ? Certainement.

Voilà pourquoi mon autoportrait est si court.

 

Version originale 1988.
 
 
 




Téquila.


Téquila.

Un bar de fin de nuit. Des verres. Putes et loups accoudés au comptoir. Conversation volée et dialogue de sourds.

 
 
17 mars 1954, c’est ta date de naissance. Tu connais la mienne ? Ouais, c’est ça tu t’en bats les couilles. Comme c’est bien dit. Dommage pour toi, tu perds quelqu’un à connaître. Je t’aurais bien raconté ma vie. J’irai la raconter à d’autres…assise au comptoir, j’aborde : eh dis-moi, t’aurais pas un truc à me raconter, je m’ennuie. Non ? ben attends moi je vais t’en raconter. Ep ! Serveur ! Sers-moi une téquila et d’abord, t’es qui là ?!

Et tu te crois qui ? Mon père ? Laisse-moi rire. Tu penses y être pour quelque chose dans ma vie ? Ben tu te fous le doigt dans l’œil. Ou peut-être pas. Mais tu parles avec qui là ? Je parle à ma tequila. Enfin à mon père. Enfin à mon verre. Tu sais celui qui dit que je ne suis pas sa fille. Enfin moi je dis : c’est celui qui dit qui y est. Et qu’est-ce que tu dis d’autre ? Ah ouais que ma mère est une trainée. Ben moi aussi, j’en suis une ! Alors fais gaffe à ce que tu dis ou je te refais le portrait. Tu m’entends ?

Pauvre lecteur ! T’as du mal à me suivre. Ben accroche-toi parce que le grand huit, c’est pas fini. Tu vas en avoir pour le prix de tes jetons. La tête à l’envers et tout le bastringue. Qu’est-ce que tu crois, la vie c’est plus compliquée qu’un roman. Ah ouais c’est trop te demander et ben retourne à tes Tintins. Ici, on est chez les guerriers avec ego surbroyé.

Eh t’es qui là, tu te prends pour le Sphinx, tu vas me poser une colle, c’est ça. Allez, range tes énigmes va ! Arrête de jouer au beau ténébreux, t’es rien de plus qu’un sac de chair et d’os, un trois fois rien. Ah, ouais écoutez-le maintenant comm’i’se défend. Une pauvre petite bête qui se débat. Ah maintenant, tu dis que tu es mon père. Eh faudrait peut-être savoir mon vieux. Et si moi j’veux pas de toi. Ah t’avais pas pensé à ça. Ben pense-s-y bien. Et ouais avoir une fille auprès de toi, ça serait pas mal, hein ? Bon allez, serveur ! Une tequila et une pour le jeune homme-là. Il ne sait plus où il en est. Il a sa liste de compliments dans la poche mais il ne sait plus lequel dégainer. C’est qui cette nana-là ? Je lui dis que j’ai du lait sur le feu ou je reste encore un peu. Les répliques de feuilletons télé, ça marche pas…ça défrise.

T’es qui là, t’es qui toi, t’es qui moi, t’es qui, t’es qui, t’es qui, t’es qui, t’es qui là? La techno, ça a des effets pervers sur mon stylo, c’est le pur mix. Dans la transe, tout se mélange. Les rôles, les personnes, agresseurs, agressés, qui est qui ? T’es qui pour moi ? Je suis qui pour toi, tu me suis. Non, t’es complètement paumé ? Ben moi aussi, alors je ne vais pas t’aider.

Pauv’gars et pauv’fille sont faits pour se rencontrer. Attends, on va demander notre chemin. Ep lecteur ! C’est par où ? C’est vodka ! Mais qu’est-ce qui me dit lui? Téquila va !

martes, 2 de octubre de 2012

Petites choses de l'enfance.2.


Petites choses de l’enfance.2.

Quand j’étais petite, je me versais du mercurochrome partout sur les jambes. Je me voyais les jambes ensanglantées et ça me plaisait. Je me cachais sous les draps et j’attendais qu’on me découvre. L’attente était longue. Interminable. J’entendais la voix de ma mère, de ma sœur au loin dans la salle. J’avais chaud sous les draps, je transpirais. Elles ne venaient pas, ne se souciaient pas de moi. Désillusion. Je finissais par sortir de ma cachette. Et je me faisais engueuler. Ça coûte cher le mercurochrome.

 Quand j’étais petite, je croyais entendre une petite bête, un petit insecte, un petit grillon tout au fond de mon oreiller. Personne ne l’entendait sauf moi. Parfois je ne l’entendais pas et je devais le chercher dans tous les recoins de l’oreiller. Parfois je croyais qu’il avait migré dans un autre oreiller. Je paniquais un peu et puis je le retrouvais. Je pensais qu’il était là pour moi, pour m’aider à m’endormir. On m’expliqua un jour que c’était le sang dans mon oreille, mon propre pouls. C’était très décevant comme explication.

Je l’entends encore parfois, je m’entends vivre et je m’endors, bercée par ma petite cigale personnelle.

Quand j’étais petite, j’aimais bien joué dans la salle de bain. J’imaginais que le gant de toilette était un sac de charbon. Et moi, j’étais une pauvre servante, une esclave, une Cosette. Mon rôle préféré à égalité avec Cendrillon. Mon maître m’envoyait chercher du charbon. Je partais, sac sur le dos, je faisais des petites pattes avec mes doigts et je marchais sur le bord du lavabo. Je  remplissais d’eau le gant et je retournais à la maison de mon ogre, le porte-savon, toujours en marchant avec mes petits doigts sur le bord du lavabo. Mais lorsque j’arrivais, l’eau-charbon avait disparu du gant de toilette. Le tortionnaire hurlait «  Où est le charbon ? Bonne à rien ». Il m’étripait et je devais y retourner…des heures à jouer sur le bord du lavabo…et la mère qui faisait la vaisselle de l’autre côté de la cloison gueulait, arrête de gaspiller l’eau, ça coûte cher (et je n’aurai plus assez d’argent pour mettre de l’essence dans le réservoir de ton frère) et je jouais et rejouais la même scène jusqu’à me faire virer de la salle de bains. Désabusée.

Quand j’étais petite, il y avait dans la salle une grosse télé à lampe. Pas du tout écran plat et coins carrés. Tout le contraire. Un beau jour, une lampe à griller. Panne d’image mais toujours du son. Alors ma mère allumait la télé comme on allume la radio. J’ai appris à regarder les dessins animés devant un écran noir. Pendant des années. Dans ma tête, il y avait même la couleur. Je m’installais sur la moquette râpée, avec mes tartines de camembert au four. Le camembert au four, c’est délicieux, mais ça colle derrière les dents de devant. Alors j’étais couchée là, à plat ventre, et je voyais défiler dans ma tête : Bipbip et le coyote, Pollux et Zébulon, Casimir et Hyppolyte. Un jour, on m’a offert un puzzle. On m’a dit, tiens, c’est Casimir. Et là, je l’ai vu pour de vrai, orange, sur le couvercle. Je crois que mon cœur a failli sortir de ma poitrine.

Le mien n’était pas comme ça. Le mien, il avait des oreilles dressées sur la tête.

Un jour, ma mère a trouvé un Kiki dans la rue. C’était la grande mode des Kikis et ça coûtait très cher. Alors me voilà avec un Kiki, summum du bonheur. Ma mère s’empresse de confectionner un couffin pour Kiki dans une boîte à chaussure, magnifique, recouvert de tissu jaune avec des canards. Et de tricoter tout le trousseau du Kiki. Sortie de bain, robe de soirée, pull pour aller au ski. Chaussons en moumoute et pantalon avec petit trou pour laisser passer la queue. Magnifique. J’avais hâte que le lundi arrive pour emporter tout ça à l’école, le montrer aux copines. Et puis l’heure tant attendue de la récré est arrivée. Grand déballage de Kikis sous le préau. Et toutes les copines de se foutre de moi. C’est un faux, ton Kiki. Nan. Si. Nan. Si. Regarde, compare, tu vois, il n'est pas pareil. Douleur. J’arrive à la maison en sanglots. Et ma mère de me consoler. Ton kiki, c’est le plus beau du monde parce qu’il n’y en a pas deux comme ça. Et d’abord, il est diffèrent parce que c’est une Kikette. J’étais fière. J’avais la réponse.

Un jour, ma Kikette a traversé la mer avec moi en avion. J’ai pleuré dans le taxi en arrivant. Qu’est-ce qu’on fait là ? De l’autre côté de la mère.

Quand j’étais petite, j’ai vu la porte s’ouvrir et un vélo entré, puis ma mère, chargée comme une bourrique. Des paquets partout. Elle avait traversé la ville à pied avec le vélo et les paquets. On ne l’avait pas laissé monter dans le bus. Mes yeux n’ont jamais été aussi gros. J’arrive dans la cour, j’enjambe le vélo et je fais des tours et des tours. Les copines arrivent. Il vient d’où ton vélo. De carrefour. Ridicule. Rires. Les pédales, c’est du jambon, et les poignées, c’est des saucisses. Ridicule. Retour à la maison en larmes. Maintenant, je le trouvais moche mon beau vélo bleu. C’est des ânes, tes copines. Arrête de chouigner. Ton vélo c’est le plus beau du monde parce que j’ai traversé la ville à pied pour le rapporter. Il ne vient pas de Carrefour, il vient de loin.

Et puis un jour est apparu Picaillon. Un ours tout plat comme une galette. Rouge. Trouvé aussi dans la rue. Ma mère l’a lavé. Je n’aime pas voir les jouets des gosses égarés dans le caniveau. A qui je vais le donner ? Je le veux. T’es trop grande. Je le veux. T’as passé l’âge. C’est vrai que j’avais quatorze ans. Mais je n’ai pas lâché. Il dort tous les soirs à l’intérieur de mon pyjama sur mon cœur. Il reçoit toutes mes prières. Muet et jamais décevant le Picaillon.


Article de dictionnaire.

PICAILLON: subst.masc.
Pop. et fam., gén. au plur. Pièce de monnaie; p.méton., argent. Synon. fam. sou.Avoir des picaillons; n'avoir plus un picaillon. Y ne faut pas se montrer trop regardant dans le métier, vu que les picaillons sont rares (Maupass., Contes et nouv., t.1, Remplaçant, 1883, p.869).Le grand-père avant de partir ayant pris soin de les ruiner jusqu'au dernier picaillon (Claudel, Ours et lune, 1919, 3, p.613).