jueves, 27 de noviembre de 2014

Una cama para viajar.




Estoy acostada a tu lado y me hace feliz.

Cada milímetro de mi piel está pegado a tu piel y descansamos sobre la sábana azul.

Estamos hirviendo y encucharaditos.

Tu respiración mueve los pelitos de mi cuello.

A nuestros pies, a cada lado,  las gatas reposan como dos Esfinges. Son las pequeñas centinelas de nuestro templo.

Somos tan íntimos sin conocernos que se me queman las fronteras.

Las almas gemelas cuando se encuentran se encajan, se desdoblan, se duplican, se confunden, se ríen, se arrunchan, se complacen, se bambolean, se consuelan, se albergan.

Estoy acostada a tu lado y me hace feliz.

 

En un solo flashazo, entro en tu cuerpo.

Visito cada distrito de tu metrópoli. Subo y bajo por tus calles.

A cada esquina, descubro un nuevo horizonte.

A paso de hormiga, contemplo las vitrinas una por una.

Curioseo cada rincón de tu ser.

Me mojo las manos en el agua de tus fuentes y me empapo las mangas del saco.

Recorro tus parques y acompaño con la mirada los pájaros de tu imaginación.

Me subo al columpio y me balanceo a la fuerza 4 hasta que me dé vomito.

Escalo la fachada de tus monumentos y admiro el panorama desde arriba. Estiro la mano para descolgar una nube.

Patino a toda velocidad por tus avenidas iluminadas. Sin aliento.

Me meto por tus alcantarillas y navego por tus aguas negras.

Exploro tu basurero y descubro lo que desechaste, lo que te dolió, lo que no quieres volver a ver, lo que consideras feo, podrido, inaceptable, lo que odias de ti, de los demás, del sistema.

En un solo flashazo, entro en tu cuerpo y viajo por tu alma. Sin frases, ni explicaciones. Solo imágenes, solo sensaciones.

En esa cama, tumbada a tu lado, cierro los ojos y me traslado muy lejos por dentro de ti, por dentro de mí.

Con mi aeroplano personal, ahora sobrevoló campiñas desconocidas, ríos tumultuosos, abismos insondables, lagunas turquesas…

 

Y poco a poco, me hundo en el algodón narcótico de la almohada…

Hasta mañana Bebé.

 


 
 

martes, 11 de noviembre de 2014

Préface par Hervé Malagola.





Préface à la collection de textes Imposture
Par Hervé Malagola.


Bon, il est toujours facile de dire de quelqu’un qu’il écrit comme on éjacule mais enfin, quand on astique la lampe à huile pendant un certain temps,  ce n’est pas toujours de petits génies proprets qui finissent par sortir, mais aussi des vauriens hirsutes qui s’excitent  en gueulant  et  en  éclaboussant tout le monde, non ?  Surtout si les orifices sont à moitié obstrués, alors le jet n’en sera que plus violent : il en sortira des vieilles proprios au « cul trop lourd », des homos couillus en brassière, de la morve en « petits filets de premier choix », des ventilos goguenards, des cous collants, des « chéneaux qui dégueulent », des caribéennes, « des petits bouts de savon », des mères et des grand-mères qui tricotent, des croûtes sèches sur les genoux d’une petite fille de cinq ans, des vendeurs de guayabas, tout un souk que Fabienne Le Blevec ne se résigne décidément  pas à cacher sous le  tapis volant qu’elle a elle-même tricoté.  De toutes façons, on sait bien depuis Oehlenschläger que les vieux magiciens sont impuissants à résoudre les arabesques énigmatiques du fouillis de l’existence, même avec l’aide de figures acoustiques ou de baguettes molles…seul un enfant de la nature, un petit voyou, éventuellement une femme fontaine peuvent nous dire à quoi « rêvent les objets », bref peuvent déchiffrer dans le fatras de la misère ordinaire le bonheur des pelotes qui sautillent sous les mains d’une mère qui a passé  sa vie à astiquer des lampes sans forcément  voir jaillir des Aladin.

Enfant de la nature d’abord, ça ne fait aucun doute, écureuil au poil brillant, leste et économe, amoureuse des fleurs et des légumes verts, Fabienne Le Blevec veut surtout abolir les dissonances qui nous séparent de la réalité cosmique. Pour paraphraser Queneau : « Vous vous intéressez à la météorologie Madame ? –Un peu je possède un  ventilo… ». Un ventilateur  proustien, asthmatique, lecteur à ses heures, brassant sans trop y croire une chaleur qui de toutes façons ne diminuera pas…Car la chaleur est la preuve que nous sommes là, bien de ce monde, la preuve de notre  élection nécessaire « même si l’eau ruisselle en sens inverse » : elle s’insinue dans notre chair, suscite des espoirs absurdes de fraîcheur ou de nuit, mais finalement justifie la complicité de celui qui, avec « ses petites pales »  nous ramène à l’essentiel : le geste de l’écriture. « Le ventilateur tourne les pages de son cahier. Automatique. Elle voit passer son écriture à toute vitesse. » Fabienne Le Blevec est une feuille d’arbre.

Petit voyou, encore plus peut-être, admiratrice d’un frère qui « écrabouille les limaces »,  paresseuse, gourmande, insolente, gaspilleuse, elle ne mérite sans doute pas, au regard de la « sorcière », son ascension d’écureuil blindé de noisettes…Qu’elle se remplisse « la panse de tartines de camembert », ou qu’elle passe « un jour complet dans un hamac », qu’elle envoie  les riches « se faire foutre », peu importe au fond, elle a été choisie et elle le sait, son génie le lui a dit quand elle fonçait la tête la première au bas du toboggan et qu’elle gaspillait son sang pour garder la liberté de ne pas mettre les mains… « Alors va-t-elle faire la queue en haut de l’échelle ? Non ? Et ben si. » Mais elle ne restera pas en bas, non, et la richesse matérielle, comme la lampe merveilleuse,  ne vaut que par le désir de celle qui les possède et qui les met au service de son destin. « Je me fais des boucles d’oreille avec les cerises ». Fabienne Le Blevec est un écureuil volant.

Femme fontaine absolument, on y tient,  et pas seulement parce qu’elle pleure parfois. Parce qu’il pleut aussi  beaucoup dans ses textes, et qu’on y jouit. « Tout était si tendu qu’une larme me sortit de la tempe »: quand les narines sont presque bouchées, les frottements répétés produisent des éruptions violentes, c’est une loi purement physique. Et « les regrets mouillent plus que les remords » est un précepte qui se vérifie. Mais Aladin, lui, se refuse à apparaitre ou bien a déjà disparu, « il y a encore des vœux qui restent inertes », et la lucidité n’empêchera certainement  pas le déluge. Car il pleut beaucoup dans le monde leblévéquien, et le taux d’humidité est élevé (« Quatre-vingt pour cent », au moins !). « Bogota la pluvieuse » est la déesse tutélaire d’un univers détrempé. « Les chiens pissent », les « nuages fondent comme des cordes », « trois gouttes et puis d’un seul coup des seaux. La rue devient un torrent d’eau chaude », mais le liquide ne vient pas purifier l’atmosphère, non, il se répand en vain sur des êtres qui savent qu’aucun soulagement n’est à attendre de ce côté-là. « L’averse passe. La température n’a pas baissé d’un degré. » L’espoir ne vient pas d’en haut, soyons sérieux un instant,  cela se saurait, il vient bien sûr  de sous les draps : « Ça me donne froid aux liserons même quand j’ai les fontaines au chaud ». L’espérance est horizontale, et érotique. « On se glisse dans un hamac », « on se traine jusqu’au lit »: ne cherchez pas plus loin le sens de votre identité, Français de souche, il est sur votre matelas, dans la rencontre avec l’étranger avec qui « y a rien d’autre à foutre ». On fout ce qu’on peut. Fabienne Le Blevec « est déconnectée de toute appartenance », mais elle retrouve, dans l’érotisme moite  et les genoux qui « suintent » d’une ville des Caraïbes, le génie de son enfance détricotée.

Et puis  il y a l’épanchement de testostérone, l’amour « des hommes, des hommes et encore des hommes », le désir démesuré de « ces cinq bataillons de bites et de petits culs », qui eux aussi à force d’être astiqués ont fini par faire jaillir de leur lampe-néon  des éventails, des boas, des brassières, des folles là où on ne voyait que des « pères de familles », des divas là où on  ne voyait que des Bruce Willis. « Depuis quand cette femme vit-elle emprisonnée à l’intérieur de ce corps d’homme ? » Depuis quand  cette  écrivaine  attend  qu’on fasse sortir de sa fontaine  magique le génie érotique qui lui fera créer encore d’autres êtres de la nuit, d’autres écureuils, d’autres ventilos, d’autres biscottes et d’autres toboggans ? Fabienne Le Blevec est une source.

NB: Les cinq textes de la collection Imposture sont publiés sur le blog.

Les écureuils, octobre 2012
Télescopage, Chaleur, septembre 2012
Imposture, décembre 2012
Un bouge appelé le Polo, avril 2013.

 

viernes, 7 de noviembre de 2014

Journal de Compostelle.1.


Journal  de Compostelle.1.








Attention ! Texte en chantier ! Des carnets de notes sont encore en attente...

Corrections d'orthographe et de style en attente....Ma pensée en attente....encore et toujours...




Une idée faisait le va-et-vient dans ma tête depuis longtemps. Elle était  embusquée sous de nombreux rêves. Elle s’intitulait : marcher sur le chemin de Compostelle.

Et puis en janvier 2013, les médecins à Bogota détectèrent dans mon sein gauche un nodule. Il fallait pratiquer une biopsie. Je pris une double décision : attendre mon retour en France pour réaliser l’examen et partir sur le chemin si les résultats annonçaient  ma bonne santé. Mon remerciement à la vie s’écrirait sous la forme d’un effort physique. Si je possédais un corps en bon état de fonctionner alors je me devais de l’utiliser. Une injonction qui n’est pas nouvelle pour moi.

14 juillet

Je me tourne et me retourne toute la nuit. J’explore les quatre coins du lit. Je cauchemarde. Il y a des chenilles vertes poilues qui me courent sur le corps. Je me tords de douleur. Elles cherchent à s’enfoncer comme une vis dans ma chair. Je demande de l’aide à une amie. Elle me dit qu’il n’y a rien à faire. Je pense que les chenilles veulent entrer dans mes muscles pour devenir chrysalides et se transformer.

Je me lève.

Je ne pensais pas que ce serait si dur de partir. Marcher sur l’autoroute des pèlerins me semble une micro aventure à portée de main. Elle n’est ni dangereuse ni compliquée à organiser. J’ai beau me répéter cet adage, l’élan n’est pas au rendez-vous. Mais qu’est-ce qui me dicte de ne pas partir ?

Je sais : Je culpabilise d’abandonner ma famille. Chaque année, je passe en France en coup de vent pour les saluer et repartir aussitôt. La voilà donc LA  bonne raison de ne pas partir. Je souris car c’est plutôt là mon atout Excuse. Je le pose sur la table tout en sachant qu’il masque des raisons bien plus profondes. L’iceberg ne montre que sa toute petite partie émergée.

Le soir, je m’arrête à Baulme-la-Roche et je ramasse sept petits cailloux, à l’endroit où reposent les cendres de ma mère et de mon frère.

15 juillet

Je me lève et me tortille. C’est le jour des préparatifs. Je me rends au rayon chaussures du supermarché des sportifs. Les allées se gondolent. J’ai la nausée. Je passe une heure à essayer toutes sortes de godasses. On rêve d’ascèse et de méditation et on se retrouve à étudier les comparatifs de semelles en caoutchouc.

J’abandonne finalement mon caddie à l’entrée du magasin et je pars en courant.

Je suffoque. Je déjeune. Je tourne en rond et puis je décide de retourner sous les néons de cette grande surface. Je jette toute sorte de matériel dans le caddie. Il faut faire vite avant  d’être assaillie une nouvelle fois par le désir de fuir. Je réussis à passer à la caisse. Je paye tout mon barda sans trop regarder la caissière dans les yeux de peur d’y lire un quelconque signe de réprobation.

16 juillet


Je prépare mon sac avec une minutie d’horloger-bijoutier. Je pèse chaque objet sur la balance digitale de la cuisine. Une brosse à cheveux=54 grammes. Un peigne= 3 grammes. Je balance la brosse et je garde le peigne. Je remplis des mini-bouteilles de shampoing, de lessive, de dentifrice, une trousse avec une paire de ciseaux, une pince à épiler, un opinel, une cuillère, une crème de jour, une crème solaire.

Je roule une tenue complète de marche et une de nuit, une robe légère pour les soirées chaudes. La deuxième tenue complète de marche, je la porterai sur moi. J’emballe une paire de sandale.  Je vérifie ma liste et je coche. Une serviette microfibre, un sac à viande en soie, un cahier et un stylo pour la prise de note, les papiers d’identité, la carte bleue (ce petit morceau de plastique représente la sécurité dans le monde moderne), une bouteille d’eau, un chapeau aux larges bords, un poncho en plastique.

Je fais le choix de ne pas emporter de topo-guide. Les flèches du chemin me suffiront. Je ne veux pas savoir à l’avance ce que je rencontrerai.

Avec un bout de ficelle, j’accroche une coquille Saint Jacques à mon sac.

Les sept petits cailloux se trouvent au fond à gauche.

Je bois enfin un café. Cinq minutes de calme tout au plus car une idée fixe fait son apparition sans crier gare: j’ai besoin d’un réveil. Je ne peux pas partir sans réveil. L’obsession grandit. Je fouille les placards. Je panique. Il me faut un réveil tout de suite, maintenant. Je suis une marmotte, je ne réussirai jamais à me lever seule, je dois emporter un réveil. JE VEUX UN REVEIL !

Le compte à rebours  a commencé et déroule son tapis de menace. Je descends au centre-ville à la recherche d’un réveil. Comme une folle, j’entre dans chaque magasin susceptible de vendre la merveille. En vain. Mes sandales me blessent, une ampoule enfle sous mon pied gauche. Je n’ai pas encore commencé le chemin que déjà mes pieds crient au secours.

J’arrive chez ma sœur, elle n’a pas de réveil. Je ferraille avec elle pour une broutille. Je préfère déclarer forfait. Je prends mes affaires et mon congé. J’avais peur de la laisser derrière moi. Elle m’a donné une bonne occasion de partir. Nos névroses respectives se sont mises à résonner au diapason, jusqu’à ce que ce ne soit plus possible. C’est décidé, je pars.

Je fais la queue au guichet et achète mon billet pour le lendemain.

Je mange un kebab dans la cour de la gare en regardant les fenêtres de l’immeuble où j’ai grandi.  Demain, c’est d’ici que je partirai. Le point d’origine.

17 juillet

Je me lève un nœud dans le ventre. J’enfile ma tenue de marche. Je la trouve particulièrement laide.

Au détour d’une rue, je suis perdue. Je reconnais les maisons. C’est le quartier de mon enfance mais malgré cela, je suis perdue le temps d’une seconde. Tout est familier et tout est méconnaissable. Un sentiment très étrange aux allures de cauchemar éveillé.

Je me laisse bercée par le train. Je traverse Paris en métro. Les gens se rendent au travail et me regarde avec envie. Ma tenue et mon sac sont la preuve que je m’en vais. Moi, je les envie d’aller travailler, d’être bien au chaud dans leur routine alors que moi, le froid de l’inconnu me fait tressaillir.

 

Je ferme les yeux. Quand je les ouvre, je lis le nom de la station : Saint Jacques. Le signe peut-être que je suis sur la bonne route. On se rassure avec pas grand-chose.



les voyages nous tranforment toujours mais on est pas toujours aux aguets. a la differnece du pelerinage ou l’on attend avec impatience chaque modification de son etre. on espere un avant et un apres.

Je prends un autre train. 6 heures sur un strapontin, dans la chaleur, coincée entre les valises et les empoignades d’autres voyageurs. On croirait un New Dehli-Bombay mais non c’est un Paris-Bayonne. Rien ne me surprend, l’épreuve a commencé pour moi, il y a quelques nuits déjà.

J’arrive au bureau des pèlerins à Saint Jean Pied de Port. Je fais la queue pour obtenir ma credenciale. Je remarque que la majorité des pèlerins sont mal équipés, enfin selon mes critères d’experte en balance Roberval. Tout cela me rassure. Ils monteront dans la galère avant moi. Entrevoir la fragilité des autres me rend plus forte. Ce n’est guère à mon honneur, je le sais et je le regrette. Je crois qu’il s’agit d’un vieil instinct qui provient de mon cerveau reptilien. Je me sens plus légère quand le couperet de la sélection naturelle s’abat sur des inconnus.

Je trouve une chambre  dans le village et malgré le réconfort que m’apporte la vulnérabilité des étrangers, je dors en pointillé.

 

Journal de Compostelle.2.


Attention ! Texte en chantier ! Des carnets de notes sont encore en attente...


 
Journal de Compostelle.2.

18 juillet Saint Jean-Pied-de-Port- Roncevaux.

Réveil sableux à 5h. J’ai passé une sale nuit. Des plantes carnivores me mordaient les fesses et je ne pouvais pas m’asseoir sur les toilettes.

J’angoisse à l’idée de ne pas trouver à manger dans la montagne.

J’angoisse à l’idée d’avoir chaud, froid, tiède.

J’angoisse à l’idée de me faire foudroyer par un éclair.

J’angoisse à l’idée de rencontrer la bête du Gévaudan.

La liste des angoisses est aussi longue que le chemin.

Je petit déjeune avec les pèlerins. L’hospitalière est complètement folle. Elle nous engueule les uns après les autres et profite d’une langue que les étrangers ne comprennent pas. On croirait un sketch. Elle me retire le pain de la bouche. Evidemment, je faisais des réserves, la peur de la famine me taraude.

Je sors dans la rue. L’aube se lève. Mes pas sonnent sur les pavés. Premières foulées sur la grand route étoilée.

Je rencontre un Espagnol. On se raconte notre vie. Je suis sauvée !

Ce n’est pas « je pense donc je suis » qui s’applique chez moi mais plutôt « je parle donc  je suis. »

Je trouve de la nourriture, tout va bien.

Avoir deux jambes et se transporter est un luxe. Je le savoure

J’avale les kilomètres sans m’en rendre compte. On arrive au monastère. Tout est magnifique. Les soucis s’envolent.

Je suis heureuse et excitée comme une guêpe.

J’ai vu la réalité à travers mes lunettes noires puis roses comme d’habitude. Je connais le refrain par cœur et pourtant je me fais toujours prendre au piège des vrilles-estomac.

19 juillet Ronceveaux-Zubiri

A la sortie du village, je lis un panneau  Compostelle 760 km.  En un flash, la carte de géographie apparait sous mes yeux.  Une ligne interminable, incommensurable. Je sortirais bien du rail.

Je voudrais être déjà arrivée et déballer le cadeau de noël, tout de suite, maintenant, comme une petite fille capricieuse.

L’Espagnol maintenant se plaint à chaque foulée. Il m’énerve. Il veut parler et marcher à côté de moi alors qu’il n’y a pas de place sur le chemin pour deux.

Quand la faiblesse des autres me sert à dépasser les miennes, je la reçois les bras ouverts, sinon elle m’embarrasse comme une valise trop lourde.

Je pars seule, je vole.

Je traverse des forêts magnifiques. Je ne serais pas surprise  qu’un gnome surgisse, me fasse un pied de nez et se cache sous un arbuste.

C’est une forêt enchantée où l’on  pendait les sorcières.

Je suis l’invitée d’un chapitre de Tolkien. Encore quelques foulées et j’appartiens au mythe.

je deguste mon pain sous un arbre, des courbatures dans les jambes. c’est l’alliance des trois qui me fait entrevoir le paradis.

Je rencontre un jeune italien. Il m’explique qu’il vit un amour non partagé. Je lui dis de changer de crèmerie …du haut de son jeune âge, il me répond que l’amour est mystérieux et ne se commande pas. Il me laisse pensive.

J’arrive à l’auberge. Je fais ma popote…

Je croise une blonde platine en pantalon rose moulant, ultra maquillée avec des immenses boucles d’oreille. On n’a pas dû préparer notre sac de la même manière.

Dans le soir, je croise l’espagnol qui marche millimètre par millimètre.

Voûte plantaire recouverte d’ampoules. Je le surnomme avec malice « Nike air ».

Je n’ai mal nulle part. Je bois un litre de bière et je dis Merci Arnica. Je fais ma fière.

je me repete pour me bercer : Fais confiance !

Extinction des feux dans le dortoir. Les plantes carnivores ne pointent plus le bout de leurs dents.

 

Journal de Compostelle.3.


Attention ! Texte en chantier ! Des carnets de notes sont encore en attente...



 
Journal de compostelle.3.

20 juillet Zubiri- Pamplona.

Je pars la fleur entre les lèvres. Le chemin est léger ce matin. Il serpente dans la montagne gentiment.

je bois un café. tout me semble merveilleusement beau. le comptoir, les tabourets de bar, les clients qui enfournent des tortillas en regardant la tele.

pourquoi je ne suis pas capable de voir le café des sports de montbard avec les meme lunettes  roses que je porte actuellement lorsque je pose mon regard sur le café de doña pepa ?

il faudra que je fasse l’effort. c’est le pouvoir de mon esprit qui pourra transformer les choses, du laid vers le beau ou le contraire.

Et puis je traverse une zone industrielle et la menace surgit : le syndrome d’enfermement. Je me sens toujours coincée partout. Toujours partir.

 

Si j’ai une fille, je l’appellerai Libertad.

 Je me sens sans maison, apatride.je ne sais pas où dormir en France alors je pars. Je ne reste pas en place. Le gens pensent surement que je suis égoïste, je ne me pose nulle part, ni chez eux ni ailleurs. Ils m’envient, toujours sur la route. Ils n’ont pas idée de la dureté de l’arrachement.

J’arrive à Pamplona. Le monastère dortoir est magnifique. L’oxygène revient.

Je me joins à d’autres pèlerins. On déambule dans les rues. Malgré les bières, je ne ressens guère de communion.

21 juillet Pamplona-Puente Reina.

Je quitte le monastère. Il fait encore nuit. Je traverse un parc. Assis sur les bancs, des jeunes font «  botellon ». D’habitude, je suis avec eux á user mes jeans et mes converses sur le goudron.

Cette fois, je suis le Mat. Je n’ai pas de maison. Mon instinct, ce chien qui me mord les fesses, me pousse á marcher. Je n’ai plus de repères. J’avance seulement vers l’ouest, attiré par cet aimant. J’avance le soleil dans le dos le matin, je regarde mon ombre qui s’étire devant moi. Au-dessus de ma tête, le midi, l’astre me transperce de part en part.

marcher c’est penser mais le chemin est invisible sous nos pieds.

le chemin rend humble car on endosse tous l’habit du vagabond. nous sommes les clochards celestes de jack kerouac.

je me récite aussi les vers de Rimbaud.

«  Je m’en allais les poings dans mes poches crevées ;

Mon paletot aussi devenait idéal ;

J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;

Oh ! là ! là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !


Comme des lyres, je tirais les élastiques

De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur ! »

 

Je passe sur un pont d’autoroute. Je regarde passer les voitures. J’imagine qu’elles se dirigent toutes vers la plage. Je les vois passer avec des bateaux sur le toit, des gosses sur la banquette regardent par la lunette arrière. J’ai le sentiment d’évoluer dans un espace-temps différent du leur. Ils sont dans la vie et moi juste á coté, sur le bord.

25 km aujourd’hui. Seulement quatre jours de marche et tout me parait trop long.

J’ai l’impression que la fève se trouve au bout du monde. J’ai envie de me rapprocher. je veux tout tout de suite. Je vérifie mon calendrier. Je marche d’habitude une semaine alors j’ai envie de me proposer le double. C’est tout ce que je peux faire. Plus me parait au-dessus de mes forces mentales. Alors c’est décidé, demain je prends le train et je saute les kilomètres, envers et contre tous. Les autres pèlerins m’houspillent. Tu ne peux pas, tu n’as pas le droit. Mais je fais ce que je veux. Moi et seulement moi  décide de mon chemin. Allez-vous faire foutre demain je me télé transporte, un peu plus près du but, je me sentirai mieux.

22 juillet Puente Reina- Astorga.

Je fais le pied de grue à l’arrêt de bus. Arrive un suédois. Il m’explique qu’il doit prendre le bus car il a la hanche enflammé. Il ne peut plus faire un seul kilomètre. Pourquoi ? Parcourir une seule étape me paraissait trop court alors j’en ai enchainé deux. Maintenant je ne peux plus faire un pas. Je lui réponds : c’est la leçon du chemin.

Au début du chemin nous sommes de tous petits bébés et le chemin nous enseigne la vie. Moi je ne suis pas capable de sentir la récompense si loin de moi.

Alors à chacun son chemin. On se sépare.

Je prends un bus et deux trains, je m’ennuie à mourir.

Je devrais être heureuse d’être en vacances, heureuse de voyager, d’être en bonne santé, heureuse de me rapprocher chaque jour de Santiago. Je crois que j’ai peur de m’éloigner des personnes auxquelles je suis attachée.

En fait, faire la route, visiter Santiago, j’en ai rien à cirer. En vérité je fais du remplissage de vie parce que je ne vais tout de même pas attendre sur un canapé. Ca je l’ai déjà vécu et ça fait très mal. Aux fesses bien sûr.

Aujourd’hui c’est le 22 juillet et j’attends cette date depuis plusieurs mois. Prédiction de l’horoscope 2013. J’attends un miracle assise sur un banc du quai de la gare. Une rencontre. Rien ne pointe á l’horizon.

Les flics s’approchent de moi. Contrôle d’identité. La rencontre prend fin. Et je crois encore aux miracles, putain des baffes !

J’arrive le soir à Astorga. Dans le wagon, je croise des pèlerins français. Une femme et ses deux enfants. On cherche notre chemin en sortant de la gare. J’aimerais les aider puisque je parle espagnol. La mère me repousse. Je comprends que ce sont des chrétiens bourgeois qui parcourent le chemin chaque année par tronçon. Ils font les durs, élevés à la dure. Je souffre donc j’ai un orgasme. Tout cela est assez loin de mes conceptions. On arrive dans auberge bondée à craquer. On nous propose un matelas dans le hall. La femme masochiste trouve le gite « merveilleux ». Les enfants aspirent leurs ampoules à la seringue.  Je fais le tour de la ville et je m’ennuie comme un rat mort. Mais qu’est-ce que je fous dans cette galère. Je suis peut-être plus près du but mais qu’est-ce que je me sens loin de chez moi.

23 juillet Astorga- Rabanal del camino.

Il fait encore nuit lorsque je traverse la ville. La lune est magnifique. Je suis heureuse d’avancer. Je marche sur  une ligne droite très droite, très longue.

cette ligne est parsemee de pelerins. on dirait des petites fourmis qui ont recu un apple interieur et se dirigent toutes vers la meme fourmiliere. la multitude va rejoindre le grand Un. phrase qui s’illustre graphiquement par la coquille de saint jacques ou bien la patte d’oie. on suit le soleil dans sa course. on veut savoir ou il s’ecrase le soir. on marche notre ombre devant nous tout le matin puis le soleil passe par dessu pour ensuite nous guider droit devant.

a chaque pas je regarde mon ombre.

 

le paysage change. On grimpe. J’arrive dans un village charmant. Je trouve une place dans un monastère magnifique. Je respire une fois de plus. De merdique je passe à magnifique. La grande roue de la fortune a tourné une fois de plus. Je ne me comprends pas. Pourquoi je tombe si bas et me morfonds si je sais bien qu’il n’y a qu’à attendre que la roue tourne.

On se connait si bien, si mal.

Le soir je m’empiffre pour célébrer la victoire.

24 juillet Rabanal- Molinaseca

Victoire il ne fallait pas crier victoire. J’ai une tendinite à chaque pied. Le tendon d’Achille n’est pas seulement la faiblesse d’Achille

Dans la descente un troquet me sauve la vie. Je me requinque, tortilla et verre de bière. Je rencontre un espagnol et une italienne.

On fait la route ensemble et ne tardent pas à m’abandonner. Hier, je volais. Aujourd’hui, je rampe comme un escargot.

 J’arrive à l’auberge en me trainant, de trente centimètres en trente centimètres. Direction la pharmacie. On devient humble. Les faiblesses de mon voisin hier sont devenues les miennes aujourd’hui. Ca calme les egos.

25 juillet Molinaseca- Cacabelos.

On dit que pour aller loin, il faut ménager sa monture. Mais je n’ai pas de monture seulement mes pieds. Alors je fais des pas de fourmi. Le proverbe est plutôt efficace. J’avale les kilomètres mais je surchauffe sous le soleil de plomb.

Un papi vend des bâtons de marche à trois euros. J’en achète un pour soulager ma tendinite. Je suis très heureuse de mon acquisition.

le bourdon du pelerin represente la verticalité, ce qui relie le haut et le bas. le chemin represente l’horizontalité, ce qui relie l’est et l’ouest. les deux lignes forment une croix. au centre  se trouve la rose, ce qu’il faut decouvrir, la foi interieur.

Quelques kilomètres plus loin j’ai des ampoules au creux de la main.

J’aime le caractère imprévisible de la douleur.

J’arrive à l’auberge, des petites cabines tout autour de l’église. Je retrouve au restaurant l’italienne et l’espagnol  accompagnes cette fois de deux jeunes italiens beaux gosses. Ils me plaisent bien ces bons vivants. On enchaine les petits verres de vin et les tapas.

sur le chemin j’ai l’impression que tout le monde m’aime bien. dans ma famille ? oui et non.

26 juillet Cacabelos – Vega.

on croit qu’on va penser á des questions existentielles sur la route, que les aphorismes vont fuser á chaque croisement et en definitive on pense á l’horiaire d’un train ou á l’achat d’un bout de savon pendant 90 km. pauvre tete !

Beaucoup trop de bitume. Un chemin, à côté d’une voie express, ça saoule.

J’aperçois la pancarte du village. Je fantasme à l’idée de la douche. Mais comme d’habitude le village s’étire en longueur. A chaque passant rencontré je demande ou se trouve l’auberge des pèlerins. La réponse est toujours la même. «  Juste là à cinq cents mètres » évidemment quand on circule en voiture, tout semble à cinq cents mètres. Les distances ne s’évaluent pas de la même façon si on est en pantoufles sur le pas de sa porte ou bien si on s’est déjà bourré vingt-cinq bornes.

J’entends une terrasse qui braille. Génial les italiens sont attablés avec d’autres bougres. Juste ce qu’il me faut. Le sourire s’affiche. Une deux trois quatre tournées…la soirée prend forme.

le chemin fonctionne de facon binaire : effort-recompense. on apprecie le soir le sentiment du devoir accompli. on deguste une gorgee d’eau comme le font les enfants á la fin de la recré du mois de juin.


27 juillet Vega- Alto Poyo

Un espagnol me colle et me donne des ordres. Cela devient difficile entre nous car je ne supporte pas qu’on m’impose une norme autre que la mienne.

c’est assez drole comme en l’espace de trois etapes on peut vivre une histoire presque d’amour avec un debut un milieu et une fin : rencontre , rapprochement, mariage et divorce.  tout se concentre.

d’ailleurs c’est valable pour tout. tout a un debut , un milieu, une fin…un chemin de 5 jours, 20 jours, trois mois…c’est une trilogie ineluctable.

Une longue montée s’annonce. Tout le monde en parle comme de l’épreuve suprême. Bien que ma tendinite me freine, je grimpe sans encombre.  Je suis rassurée. Ce n’était pas l’Everest. J’arrive sur un grand plateau venté. Le froid s’installe. Je me refugie dans le restaurant en haut du col. L’ambiance est chaleureuse. La clique des italiens arrive. Heureuse de les retrouver, je décide de m’offrir un après-midi de glande plutôt que de poursuivre sous la pluie.

28 juillet Alto Poyo- Samos.

Les plus belles étapes se profilent. J’entre de nouveau dans le monde de Tolkien. Les châtaigniers centenaires m’abritent, les fougères déroulent leurs crosses, l’odeur humide des sous-bois m’enchantent. Mon cœur est ravi. je ne peux plus m’empêcher de sourire.

je souffre déjà á l’idee que tout cela va s’arreter. bordel quand est ce que je serais capable de retirer toutes ses toiles d’araignees qui envahissent mon plafond ?

 

Au creux de la vallée, j’aperçois le monastère avec son toit d’ardoises bleues. Splendide. C’est là que je reposerai mes muscles engourdis par l’acide lactique.  J’entre sous les voutes du dortoir. Il faut choisir sa couche parmi les lits à étages alignes en longs rangs d’oignons. Je ne sais pas si ça ressemble plus à l’armée, à la prison ou à un monastère.  Ça pue la vieille chaussette humide qui sèche sur un radiateur. Les chiottes embaument. Je me lave les dents et je reste médusée à la vue d’un mollard sec au fond du lavabo.

Je suis un soldat prisonnier moine. Le comble c’est que je suis volontaire et heureuse.

 

se lever, préparer son sac, marcher, manger, marcher, penser, penser, se doucher, laver son linge, faire les comptes, regarder la prochaine etape, analyser le calendrier…c’est l’enchainement de toutes ces taches qui les rendent interessantes et agreables. c’est l’alternance salutaire. une vie á ne faire que penser serait un enfer. une vie á ne faire que des comptes serait insupportables, une vie á ne boire que des bieres serait ennuyeuse…

 
La nuit le corps exulte. Une symphonie de pets et de ronflements. Un petit couple a même choisi de faire grincer le lit.

Journal de Compostelle.4.


Attention ! Texte en chantier ! Des carnets de notes sont encore en attente...
 

Journal de compostelle.4.

29 juillet samos- Ferreiros.

Aujourd’hui, je vole accompagné de Dario l’italien. On se raconte nos points de vue sur l’amour. On est toujours d’accord avec les autres quand on parle d’amour. La faute on l’attribue toujours au partenaire. On s’entend toujours lorsqu’on parle entre copain mais si de copains on passait à concubins alors on ne s’entendrait plus. Curieux. A croire que le sexe brouille les pistes de la compréhension. Le sexe ou l’engagement ? Ou bien l’attachement, les sentiments ?

On trouve un rat mort sur la route. On le pose sur une pierre en plein milieu du chemin. Dans une bulle on écrit « animo ». On se cache pour regarder la réaction des pèlerins qui arrivent derrière nous. Blague d’enfants. On trouve à jouer avec pas grand-chose sur le chemin, puisqu’on emporte si peu de chose.

et je me repete : j’ai trouvé ma voie. je sais ce que je vais faire pendant les vingt prochaines années : campus stellae, campus stellae, campus stellae…

et on se demande : est ce qu’un evenement exterieur va survenir ou bien tout sera interiorisé ?

quand j’ai fini avec une preoccupation, je m’en invente une autre. j’ajoute toujours un peu d’epices special chianlit á la vie qui est déjà bien compliqué. j’aime bien les saveurs rehaussées.

 

30 juillet Ferreiros-Ligonde.

Je me suis levée tôt. J’ai perdu les italiens. Je regarde souvent en arrière. De nouveau seule.

au debut je ne voyais pas la difference avec une autre rando.. tout me semblait banal et meme beaucoup moins bien qu’une rando en pliene nature. la marche sur bitume, les ponts d’autoroute , les contournements de zone indus, manger des trucs degue au supermarché. il a fallu une dizaine d’etapes pour que je m’impregne de l’esprit du chemin.

Je fume une cigarette à côté d’une fontaine. J’en profite pour parler avec les pèlerins assoiffés qui  viennent remplir leur gourde. Point stratégique de la communication.

Je continue la route seule et puis, au loin, j’aperçois un pèlerin á quatre pattes dans l’herbe du bas-côté. Il se roule, agite ses pattes en l’air. J’arrive à son niveau, m’arrête. Il est hilare. « Ça va ? Ouais je suis trop heureux, trop heureux. C’est le cinquième trèfle á quatre feuilles que je trouve depuis que je suis parti. Le chemin c’est que du bonheur ! »

Je constate que le chemin agit sur les consciences comme la meilleure des ganjas. Il risque d’y avoir de la friture sur la ligne.

31 juillet Ligonde – Melide.

Melide la capitale du poulpe parait-il. On est pourtant loin de la mer. Je suis loin de ma mère aussi mais je transporte avec moi ses petites pierres de cimetière.

Je fais un bout de chemin avec des espagnols qui m’accueillent comme une espagnole. On fait des pauses trois bières. Tout ça me va bien.

J’ai remarqué que le chemin est kitsch. Kitsch au sens d’émotion collective comme l’a défini  Milan Kundera dans son essai La Grande Marche. C’est drôle je me rends compte en l’écrivant qu’il y décrit également une marche, et qui plus est, une marche pour la paix. Le kitsch serait donc un concept qui  adhère au fait de se déplacer tous ensemble dans un but spirituel, politique, national, international…

« Le kitsch fait naitre coup sur coup deux larmes d’emotion.la première larme dit : Comme c’est beau, des gosses courant sur une pelouse !  La deuxième larme dit : Comme c’est beau d’être ému avec toute l’humanité á la vue de gosses courant sur une pelouse ! Seule cette deuxième larme fait que le kitsch est le kitsch. »

Et pour conclure avec notre philosophe : « Avant d’être oubliés, nous serons changés en kitsch. Le kitsch, c’est la station de correspondance entre l’être et l’oubli. »

L’épitaphe sur notre tombe nous fera bien rire ou bien enrager, tout dépendra de notre caractère- gai ou morose- et de notre appréhension de l’ironie du sort.


 

1 août Melide –Santa Irene.

32 km. je ne pensais pas que je pourrais le faire. Les rouages de mon corps se déglinguaient  au bout de 25 km au début du chemin. Il est vrai que pour un non marcheur, 7 km de plus ou de moins, ça peut sembler un détail. Le pèlerin quant à lui éprouve dans sa chair chaque mètre. La mesure devient une expérience tactile, tangible. Et les mètres du petit matin ne sont pas les mêmes que ceux de l’après-midi. A l’ankylose du sommeil se substitue l’engourdissement du froid puis vient la pesanteur de la digestion qui sera remplacée bientôt par la surchauffe de l’après-midi puis arriveront les tremblements de la fin d’étape. Donc il est difficile de s’imaginer ce qui se passera dans ce supplément de 7 km. Mais il n’y a pas d’alternative possible alors on découvre le dépassement de soi. Le mental et le physique se donnent tout à coup la main et ce qui semblait insurmontable devient possible.

les gens du chemin ne sont pas les memes au debut et á la fin. enfin ce sont des termes peu appropriés : de quel debut et de quelle fin parle-t-on ?

au debut ils sont excités comme des petits enfants la veille de la rentrée. ils gazouillent dans les dortoirs. inexperimentés ils doublent les étapes et se fracassent. Ou bien manquant de courage, ils sautent en bus. a la fin  qui du chemin, ils ressemblent davantage á des grands peres burines par la vie. ils savent appréhender leur fatigue. la douleur existe toujours mais on expose plus ses ampoules á son camarade de chambrée. il n’y a plus de soupirs ni de plaintes. on a compris que parler de sa souffrance ne la fait pas disparaitre. et puis on a appris á faire avec.

2 août Santa Irene-Santiago de Compostella.

Le graal est au bout de l’étape. Le chemin est devenu une autoroute à pèlerins. On passe à côté de l’aéroport. Les avions, grosses machines de fer, qui me sont tellement familières me semblent aujourd’hui appartenir à un autre monde.

J’entre en ville avec l’intention de chercher un dortoir, une douche, un sandwich. Impossible. Je suis aimantée. Direction l’église. Sans le vouloir, la pitance spirituelle passe avant l’estomac.

finalement, j’avance tout droit, attirée irrisistiblement par cet aimant.

La foule qui envahit les rues est presque insupportable. Les gens sont frais. Je suis liquide. Arrivée sur le parvis, l’émoi n’est pas vraiment au rendez-vous. Je gravis les marches une à une. Je suis prête à franchir le seuil. Je me concentre. Deux mendiants se querellent pour la place. Je me prends un coup de tabouret dans le nez. Les grandes forces invisibles n’ont guère envie de laisser entrer dans leur temple la païenne que je suis.

Je me faufile et déambule sous la nef. La multitude de touristes me fait renoncer au recueillement.

Le bas-côté est tout entier occupé par la queue des pèlerins qui attendent leur tour pour embrasser la statue de l’apôtre. Pire que la queue dans un banque en Colombie, un vendredi pour retirer l’argent de la quinzaine.

Je m’assois sur un prie-Dieu.  Est-ce que j’ai vraiment envie de prendre dans mes bras cette image ? J’ai un rejet. Je ne suis pas catholique. Je n’ai pas envie de faire comme tout le monde. Je n’ai pas envie de me prêter á ce jeu collectif. Et en même temps, la superstition m’envahit. Je devrais peut-être le faire pour m’attirer le bon œil. Et puis le consumérisme fait aussi entendre sa voix : tu n’es pas venu á pied jusqu’ici pour passer á côté.

Ces arguments ne me semblent pas valables.

Alors je fais marche arrière et part à la recherche de nourriture physique et d’un lieu de repos.

Le soir, repue et rafraichie, je retrouve les italiens perdus il y quelques jours. On se saute dans les bras et on boit au goulot un petit vin rouge, les fesses clouées sur les pavés de l’Obadeiro, face á l’église.

quand je randonne dans les alpes je suis une bergere mais sur le chemin je suis une clocharde.

et puis on parle avec tout le monde , sans peur ni crainte. on ne les reverra pas. le microcosme devient macrocosme. les minuscules aventures prennent une dimension nouvelle. la coccinelle qui se pose sur ton sac, le lacet qui casse auquel il faut faire un nœud, le jambon beurre qui tombe dans la poussiere et que tu essuies d’un revers de main.

et en m’endormant je me repete : je reviendrai, je reviendrai, je reviendrai, je reviendrai.

Amigos, el camino engancha !

3 août Santiago de Compostella.

Je marche depuis onze jours sans m’arrêter, sans vraiment me rendre compte du temps qui passe car c’est un autre temps qui passe.

le chemin ressemble a un gigantesque jeu de piste, un parc d’attraction, un camping, un camp de boyscoot, un pelerinage, une caserne, une colonie de vacances…

Je me lève avec les angoisses liées  à l’organisation du retour. Je dois choisir une date et  réserver un billet d’avion. je souffre et me fait souffrir avec les dates. je me rends dingue toute seule. Au lieu d’etre heureuse de ce que je suis , de ce que fais, de ce que je decouvre…je prefere me faire du mal avec ce que je perds, avec ce que je suis obligee de laisser derriere moi. mon passé est lá toujours presnet. j’ai souvent mal pour les miens, pour ma sœur, pour mon neveu, pour mes freres…L’idée du départ me tiraille. Il faut mettre fin et penser à sortir du rail. C’est douloureux. Je m’organise. C’est fait.

Je me sens soulagée… deux heures.

Et l’angoisse revient. je me sentais enfermee parce que je n’avais pas de billet pour sortir de santiago. j’achete un billet. je me sens enfermée parce que j’ai en poche une date de fermeture. je suis toujours á l’interieur d’une boite. je deviens vraiment dingue. la peur du regret me fait tressaillir.

et alors je peux aussi mettre ce billet á la poubelle et en choisir un autre.

Non jeter l’argent par les fenetres est un interdit que je ne peux trangresser. tout doit etre calculé en fonction de la formule de l’efficacité. je suis une bete du rendement.

je suis rabougrie d’indecisions. tout choix represent un deuil dont je ne peux me guerir.

quand je reste sur place, j’envie la marche.

quand je marche, j’envie la contemplation.

et puis je continue de m’agiter, de bouger, de trembloter par peur de la mort et de la stagnation.

le chemin est un rail bien pratique pour tous ceux qui sont perdus comme moi. il est comme un tuteur qui soutient une plante trop fragile pour se tenir droite elle-même.

les ames perdues se rencontrent.

Toutes les auberges sont complètes. Une grand-mère me loue son canapé pour la nuit. On discute sur le pas de la porte. Je lui explique en deux mots le pourquoi, la boule dans le sein, le luxe de vivre…elle est ému aux larmes. Elle me conseille d’embrasser le saint. Il est, parait-il, situé juste sur un champ énergétique reliant la terre et le ciel.

4 août Santiago - Negreira.

on dit qu’entrer dans les cathedrales c’est entrer dans le ventre de la mere.

À l’aube, je passe par l’église.

Vide cette fois, je descends, remonte la nef, j’arpente  les bas-côtés, le chœur, le transept. J’observe l’apôtre de près de loin. Il regarde fixement devant lui. Je me décide enfin. Je monte les quelques marches et l’étreins fort. J’ai dû y prendre gout car  je fais le touret recommence l’opération. Sept fois au total.

 Je respire profondément. Je goute mes nouvelles et reprend le rail. Mon cœur se remplit. Le voyage que je croyais mort reprend vie. Je suis si heureuse de trouver de nouvelles coquilles qui me guident pour quitter la ville. Je rejoins la campagne.

Je fais un bout de route avec un couple qui me raconte ses problèmes de couples. Le chemin parfois ressemble au cabinet d’un psychanalyste á ciel ouvert. Tout le monde se parle ou bien tout le monde se tait. C’est égal.

Je me pose à l’auberge. Un fou furieux de 66 ans arrive et demande un lit, paye, se douche et se repose quinze minutes, se relève d’un bond. Il nous explique qu’il marche jour et nuit. Il a l’air tres fier de ses ettapes de plus de 100km. Il a les yeux hagards bourrés de dopamine. Il ne se rend meme pas compte qu’il est completement shooté. il attrape son sac et repart.

Finalement le chemin peut etre dangereux car on peut s’y sentir en securité et en meme temps nous sommes livrés à nous-mêmes. il n’ya pas de debut, pas de fin.comme tu es ton seul guide tu peux tomber bien profond dans ta nevrose et personne ne s’en rend compte. j’ai rencontré un autre gars qui faisait le chemin en sens inverse. il avait trop peur d’arriver á Santiago. alors il errait a rebrousse poils.

5 août Negreira - Olveiroa.

Je marche 34 km. Je mange les deux paquets de sucre que j’ai récupéré avec le café noir de ce matin. Aucun restaurant sur la route. Aucun oasis. Pas même un mirage. J’apprends le soir que cette étape est surnommée « la solitaire ». Si j’avais su…peu importe elle est avalée, la souffrance aussi.

Je viens d’apprendre dans ma chair le poncif « je ne sais rien ». Je m’en doutais depuis longtemps. ce doit etre la difference entre savoir et connaitre. Je viens de comprendre qu’il n’y a rien á chercher car il n’y a rien á trouver. je dois vivre, marcher vers l’ouest sans me poser de questions, faire confiance et on verra bien ce qui arrive. Rien esperer, prendre ce qui vient. Et on rejoint le « dicho » qui regit toute la socieité colombienne : aujourd’hui ,on a , demain on ne sait pas.

6 août Olveiroa - Fisterra.

Je marche 34 km. J’aurais bien aimé m’arrêter avant mais l’auberge était fermée alors j’ai poussé un peu plus loin la machine, parfois en le regrettant. J’ai vu défilé les plages. Les touristes étendus dans le sable se prélassaient.

je parle á mes pieds et leur promets de leur offrir un massage s’ils me menent encore plus loin.

et je rabache ma question : Est-ce que je veux avoir un enfant ? je cherche un prenom sans cesse. Comme si avoir un enfant se limitait au dur choix du prenom. je suis une fine gourde et j’articule, les machoires serrees par la douleur : cipriano, sara –Lu, marco,  , Montag, antonine, manolo, lilas rose le blevec...

je ne peux pas etre mere car je ne peux pas prendre la place de ma mere. cette place tellement grande qu’elle a occupé dans ma vie. irremplacable.

J’arrive à l’auberge sur les rotules. Il n’y a pas de place pour moi. Le pèlerin juste devant moi vient d’obtenir le dernier lit. Un peu gênée, la logeuse me remet le diplôme de pèlerin ayant gagné la fin des terres. J’en ai rien à foutre de son carton. Je veux un lit. je me traine par les rues à la recherche d’une couche.

7 août Fisterra – Faro.

 

J’arrive au bout de la terre. Une fois encore je suis déçu, le phare est assailli par les touristes arrivés en voiture. Je crapahute au milieu des rochers. Je réussi à m’isoler en contrebas. J’oublie la foule. Je reitre mon bracelet intitulé « la guerre de l’amour » et le brûle. Je sors de ma poche les sept petits cailloux ramassés à 1600 km de là, à  baume la roche, en bourgogne. Là où reposent les cendres de ma mère et de mon frère. Je remercie et je fais un vœu. Je lance très loin mes cailloux et j’en ramasse sept autres. J’échange le calcaire contre le granit.

Je vis des emotions tres fortes. est ce qu’il en est de meme pour tout le monde. j’ai l’impression d’etre toujours bercee par les extremes , á mille tout en haut, á mille tout en bas, plongee dans l’eau bouillante, dans l’eau glacée

8 août Fisterra – Muxia.

 

 

je bois un café á la terrasse de la rue principale. nos yeux se croisent. c’est l’autrichien que j’ai rencontré des jours plus tot. il me saute dans les bras. nous ne sommes pas capable de communiquer avec des mots. on baragouine quelques mots en anglespagnodeutsh. on se parle par signe tres tendrement avec beaucoup d’euphorie dans les yeux.  il me montre le motif qu’il vient juste de se faire tatouer sous l’oreille :une fleche jaune. il marche depuis trois mois. demain il prend l’avion. en le quittant je lui crie : welcome to the real life. on se separe des larmes dans les yeux

Une fois de plus sur la route. Un grand sous-bois couvert de fougères me laissent rêveuse. J’aimerais rencontrer un farfadet.

je suis seule parfois je m’attriste mais je ne touche pas le fond de l’abime. j’ai un morale d’acier. je tiens bon. demain tout ira mieux.je n’ai personne a qui imputer la faute. j’ai besoin de ce temps de repos comme la terre qu’on laisse en jachere pour mieux semer plus tard.

C’est ma dernière étape en Espagne. je suis embrumée à l’idée d’abandonner mon bâton qui m’accompagne depuis des centaines de kilomètres. Ils ne me laisseront pas embarquer dans l’avion. Je retourne  et retourne, je mastique et mâchonne cette idée comme je sais si bien le faire. Je suis la reine des idées fixes.

Et puis j’arrive dans les rues de Muxia. Les goélands s’égosillent. Et puis là je découvre un village en pleine préparation de fêtes. Une dizaines d’hommes construisent des petites cabanes en bois. La solution est là. Ils ont tous une scie à la main. Je demande et l’un des baraques s’empressent de couper en trois mon bâton. La solution finit toujours par se présenter. Je suis ravie mon bâton voyagera avec moi.

Lorsqu’on ne sait pas á quoi s’attendre, tout devient miracle : un café au detour d’une rue quand ona besoin de parle, une fontaine pour remplir sa gourde sur la place d’un village, du produit á lentilles abandonné dans un dortoir quand on en a plus, un homme une scie á la main quand on ne sait que faire de son bourdon adoré…