Ce texte est écrit à la manière d’un” cadavre exquis”. C’est un va et vient entre Lupita Eveno et Fabienne Le Blevec. L’une a commencé à écrire cinq lignes, l’autre l’a suivie avec cinq lignes de plus. Elles ont marché sans savoir où elles arriveraient.
Je viens de terminer ma cigarette. Je me lève pour regarder par la fenêtre. Rien ne bouge. J’ai vue sur la montagne. Et la montagne ne bouge pas. En observant bien, si, je peux percevoir un léger tremblement dans les feuilles des arbres.
De très loin,
on entend le bruit de la ville et le « tiut » aigu de la tourterelle
qui me met les nerfs en pelote.
Que faire ?
Allumer une autre cigarette ?
Je me couche
sur le sol froid de ma chambre. Je ferme les yeux. Et j’essaie de ne pas
penser. Je bois un verre de rhum, j’allume une cigarette, je m’assois et j’attends.
J’attends que le temps passe, que la nuit tombe, que quelque chose survienne, qui
m’éloignera de ton corps et qui emportera tes souvenirs.
Mais il ne
se passe rien chez une famille qui ne compte qu’un seul membre.
Alors je ne
sais pas ce que je préfère : les heures blanches du jour qui me donnent
des frissons ou bien les heures visqueuses de la nuit qui me font transpirer.
Je ne sais
pas où tu respires en ce moment.
Je ne sais
pas où tu marches.
Je ne sais
pas qui t’accompagne.
Le « je
ne sais pas» adhère à ma bouche comme tes lèvres salées.
Tourmentée, je
sors. A la recherche de la rue.
Toutes les
maisons sont identiques. Grises, rectangulaires, à deux étages.
Je lève les
yeux et elles se font petites. De la fumée s’échappe d’une bâtisse sur cinq. Elles
retrouvent leur taille normale.
Et je me rends
compte que je vis dans l’une d’elles.
Tout est
uniformisé. Je suis une fourmi dans une fourmilière.
Insignifiante.
Les trottoirs
ont une trajectoire rectiligne. Les poteaux sont au garde à vous. Les fenêtres
sont tracées à l’équerre. Même les fleurs sont à égal niveau.
Je regarde
autour de moi et je cherche en vain un signe de rébellion.
Je marcherai
et je poursuivrai mon propre chemin.
En donnant
des coups de pieds dans les poubelles qui le croiseront.
Détruire,
éparpiller, souiller, vomir, chier, décharger.
Et
finalement, je trouverai la paix. Loin d’ici. Entre les jambes de la montagne couchée
devant moi.
Entre temps,
je déambule sans but dans les rues.
Je tourne au
coin de la rue et je percute un clochard. Nous nous serrons très fort pour ne
pas tomber. Le mélange des odeurs hérisse le poil. Le Chanel n°5 fait connaissance
avec l’immondice. Nous nous regardons droit dans les yeux, stupéfaits. Deux humains
s’enlacent.
C’est le
grand choc de deux mondes. Des mondes habituellement parallèles.