Une fin
de nuit. Des bouteilles, des verres. Putes et loups accoudés sur le zinc.
Une
nana grimpée sur un tabouret de bar aborde un mec qui l’emmènerait bien à l’hôtel.
Volume de la musique à déchirer les tympans. Conversation volée. Quiproquos et
dialogue de sourds :
-Eh dis-moi, t’aurais pas un truc à m’raconter, j’ m’ennuie.
-…
-Non ? ben attends, moi, je vais t’en raconter. Ep !
Serveur ! Sers-moi une téquila et d’abord, t’es qui là ?!
-Tu
viens souvent ici ?
-17
mars 1954, c’est ta date de naissance. Tu connais la mienne ? Ouais, c’est
ça. Tu t’en bats les couilles. Comme c’est joliment dit. Dommage pour toi, tu
perds quelqu’un à connaître. Je t’aurais bien raconté ma vie. J’irai la
raconter à d’autres…
-Tu
veux boire un autre verre ?
-Ouais
…Et tu te crois qui,toi ? Mon père ? Laisse-moi rire. Tu penses y être
pour que’que chose dans ma vie ? Ben, tu te fous le doigt dans l’œil… Ou p’t-être
pas…t’as pt’être raison. Tiens r’garde le résultat !
-Mais
tu parles avec qui là ?
-Je parle
avec ma tequila. Enfin avec mon père. Enfin avec mon verre. Tu sais, c’ui qui
dit que chuis pas sa fille. Enfin, moi, je dis : c’est c’ui qui dit qui y
est. Et qu’est-ce que t’ajoutes à ça ? T’as mieux à dire. Ah ouais que ma mère
est une trainée. C’est vrai, j’avais oublié l’épisode.
-Pardon ?
j’ai pas compris
-J’
disais que moi aussi, j’en suis une ! Alors fais gaffe à ce que tu dis ou
j’ te refais le portrait. Tu m’entends ?
-Tu
t’appelles comment ?
-Eh
t’es qui là, tu te prends pour le Sphinx, tu vas me poser une colle, c’est ça.
Allez, range tes énigmes, va ! Arrête de jouer au beau ténébreux, t’es
rien de plus qu’un sac de chair et d’os, un trois fois rien. …Pauvre
lecteur ! T’as du mal à me suivre. Ben accroche-toi parce que le grand
huit, c’est pas fini. Tu vas en avoir pour le prix de tes jetons. La tête à
l’envers et tout le bastringue. Qu’est-ce que tu crois, la vie, c’est plus
compliquée qu’un roman. Ah ouais, c’est trop te demander et ben retourne à tes
Tintins. Ici, on est chez les guerriers avec ego surbroyé…
-Tu veux qu’on danse ?
-Ah,
ouais écoutez-le maintenant comm’i’se défend. Une pauvre petite bête qui s’
débat. Ah maint’nant, tu dis que t’es mon père. Eh faudrait p’t-être savoir mon
vieux. Et si moi j’veux pas de toi. Ahaaaa t’avais pas pensé à ça. Ben pense-z-y
bien. Et ouais avoir une fille auprès de toi pour agrémenter tes vieux jours, ça
s’rait pas mal, hein ?
-Ben
ouais ça s’rait pas mal.
- Bon
allez, serveur ! Une tequila...et une pour le jeune homme-là. Il ne sait
plus où il en est. Il a sa liste de compliments dans la poche mais il ne sait
plus l’quel dégainer.
-On
va sur la terrasse ? … (Putain, c’est qui cette nana-là ? Je lui dis
que j’ai du lait sur le feu ou je reste encore un peu. Elle a un beau cul quand
même…mais les répliques de feuilletons télé, ça marche pas…ça défrise.)
-La
terrasse, j’m’en fous… T’es qui là, t’es qui toi, t’es qui moi, t’es qui, t’es
qui, t’es qui, t’es qui, t’es qui là. La techno, ça a des effets pervers sur
mon stylo, c’est le pur mix. Dans la transe, tout se mélange. Les rôles, les
personnes, agresseurs, agressés, qui est qui ? T’es qui pour moi ? Je
suis qui pour toi, tu me suis.
-Quoi ?
Comment ?
- T’es
complètement paumé, hein ? Ben j’vais pas t’aider, parce que moi aussi
chui complètement paumée… Pauv’fille et pauv’gars sont faits pour se rencontrer
sous les stroboscopes…Attends, on va demander notre chemin. Ep lecteur ! C’est
par où ?
-C’est
vodka !
-Mais
qu’est-ce qui m’ dit lui. Téquila va !