martes, 22 de enero de 2013

Petites choses de l’enfance.1.


Petites choses de l’enfance.1.

 




Quand j’étais petite, je croyais que les nuages bougeaient parce que la Terre tournait autour du soleil. Je pensais que c’était comme si nous étions montés sur un manège. On voit passer le paysage. Pour moi, les nuages étaient fixes et nous, nous tournions.

J’avais conscience d’être une enfant et que cet état était éphémère. Je regardais mes jambes qui ne touchaient pas le sol quand j’étais assise sur une chaise et je pensais : «  Un jour, mes jambes toucheront le sol, je serai adulte et plus rien ne sera comme avant. » J’essayais de profiter de mes jambes courtes. Parfois, aujourd’hui encore, je recherche ce paradis perdu et je m’assois sur un mur, un pont et je laisse balancer mes jambes, comme au bon vieux temps.

C’est pareil mais ce n’est pas pareil.

Il m’est arrivé la même chose avec la lecture. Je regardais les génériques à la fin des films. On aurait dit des hiéroglyphes et je pensais : « Un jour, je pourrai comprendre ces signes mais, ce jour-là, je perdrai la magie de ne pas les comprendre. Je perdrai mes hiéroglyphes chéris. La perte me causait toujours de la douleur. Je ne pouvais pas avoir tout à la fois. Parfois au cinéma, je ne me lève pas du fauteuil. Je garde un peu les yeux mi-clos et j’essaie de voir mes hiéroglyphes tant aimés.

C’est pareil mais ce n’est pas pareil.

Je me souviens que je mangeais des tartines de cancoillotte. Je m’en mettais partout, les doigts, la bouche, le menton. Tout mon corps collait et c’était pire quand ça séchait. Heureusement, ma mère, toujours très pratique, ne sortait jamais sans un gant humide dans un sac plastique. Elle le sortait et me lavait et j’aimais sentir que je retournais peu à peu à l’état antérieur. Fraîche, tranquille, un délice. Jusqu’à la prochaine tartine.

Je n’avais jamais vu la mer. C’était un grand rêve. Je m’asseyais au bord du lac près de chez moi. Avec mes mains, je faisais une sorte de boîte, de paire de jumelles et j’essayais de voir seulement un morceau du lac, en prenant soin d’enlever "la terre" sur les bords. C’était ma mer à moi.

J’ai toujours un peu de tendresse pour ce lac lorsque je le vois. Un peu comme lorsqu’on pense à son premier fiancé.

J’ai vu la mer pour la première fois à quatorze ans et je savais déjà qu’«un avant et un après » se profilait. Je suis restée pétrifiée. Je n’avais pas besoin de faire une boîte avec mes mains. Enfin, l’immensité était plantée là devant moi, orgueilleuse. C’était impressionnant.

Je ne savais pas encore qu’à dix-neuf ans, j’allais perdre mon frère en mer.

La nuit, je me couchais dans mon lit et je jouais avec mes pieds, j’étendais les jambes pour essayer de toucher le plafond. J’aimais regarder entre chaque doigt pour voir s’il y avait de la saleté. C’était comme un cadeau surprise. Je découvrais avec enthousiasme la petite boule noire, mon petit enfant à moi. Je les recherchais avec beaucoup d’espoir. C’était la guerre totale avec ma mère parce que je ne voulais pas me laver les pieds. Elle n’a jamais su la cause de cette rébellion.

J’observais aussi mes pieds et je savais que c’était des pieds de petite fille, et que bientôt ils se transformeraient. Je les admirais pour cela. Pour leur état fugace. Un jour de l’adolescence, je les ai regardés et je me suis rendu compte…j’avais des pieds de femme. Une autre étape commençait.

Quand j'étais petite, je pensais que la queue des chats était le slip des chats. Pour moi c'était logique : faute de morceau de tissu, les chats cachaient leur sexe avec leur queue.

Quand j’étais petite, il était impossible de marcher. Mes jambes couraient, toujours. Sautaient. Il était impossible de les contrôler. De la même façon, je me souviens que je me promettais à moi-même d’être sage et de faire tout ce que ma mère allait me dire. Je ne pouvais pas résister plus de vingt minutes. Je me décevais mais je sentais que je devais me soumettre à ma condition de petite fille. Ne pas obéir. Il m’arrive la même chose aujourd’hui, quand j’essaie de ne pas fumer, de ne pas boire, de ne pas me réveiller trop tard.

Je me souviens, qu’un jour, montée à cheval sur mon frère couché, je lui frottais mon mouchoir sur le torse. Il s’en est rendu compte : «C’est dégueulasse ! Tu me frotte tes crottes de nez sur le ventre. Et moi de lui répondre « Ce n'est pas grave. C’est de l’eau de nez. »

Quand j’étais petite, ma mère me disait avec fierté que j’étais son bâton de vieillesse….je ne comprenais pas très bien…maintenant, je pense que c’était parce que j’étais la sixième et la dernière de ses enfants…quand elle était en colère, elle me disait que j’étais son bâton de merde….je ne comprenais pas plus…et quand je faisais une bêtise, elle me criait « ouh chameau !!! » Je ne savais pas pourquoi les chameaux intervenaient dans l’histoire et je me demandais s'ils étaient aussi carne que moi.

Bien des années plus tard, j’étais devenue professeur, chargée d’une classe d’enfants de cinq ans. J’avais perdu ma mère six mois auparavant. J’étais en train d’aider les enfants à s’habiller. Je me suis agenouillée en face d’une petite fille. J’ai entré la chemise dans le pantalon, par devant, par derrière, j’ai fermé la fermeture éclair. J’ai fait un nœud avec l’écharpe autour du cou. Choc.

J’ai senti les mains de ma mère sur mon propre corps. Quand elle m’habillait. Quand j’étais debout sur la chaise jaune de la salle. Avant de sortir. Pour faire les courses au marché. Et moi, je faisais l’andouille en sautant sur la chaise jaune qui avait des ressorts. «Ah, mais, reste donc tranquille un peu ! » Mes mains sont les mêmes. Ridées, fortes, courtes. J’avais perdu ma mère six mois auparavant. Et mes mains étaient les siennes. Et je reproduisais au millimètre près ses gestes «habiller une petite fille ». Des gestes peut-être ancestraux, de ma mère, de ma grand-mère, de mon arrière-grand-mère…

 
Texte original en espagnol.
 

 

 

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