viernes, 18 de enero de 2013

Retour d'automne.



 

La ville est dans la grisaille. Elle a le cœur en pluie. Son mari est un déserteur. Sous les bombes, il a préféré s'enfuir comme un pleutre. Il court encore de son côté. Il l’a quittée sans la fixer dans les yeux.

Elle déjeune en regardant les miettes sur la table. Elle se rassure. Un coup d’éponge et tout sera net. Il faut tout organiser pense-t-elle. Il faut injecter du raisonnable dans la tourmente.

Elle fixe le placard de la cuisine et écoute une musique poisseuse en boucle.
Peu importe. L’enfer a toujours été derrière elle. Sa vie est montée à l'envers. Chaque jour vécu l’écarte donc de la mort. Elle sait que c’est un sentiment sans queue ni tête. Mais elle le mâche et remâche depuis qu'elle est petite. Elle ne peut pas concevoir son existence autrement. Pas de logique dans les entrailles.

Elle se répète : Alors pourquoi craindre le jour suivant, pourquoi craindre une douleur franchement anecdotique ?

Elle rêvait de chimères et d’aventures. Elle a réussi. Chaque jour est un film, chaque nuit est un roman. Du moins à ses yeux. Elle imagine autour d’elle les caméras. Et toute l'équipe qui s'affaire. Moteur!

Mais il y a un inconvénient: elle habite dans la vie réelle et le matériel encombre.

Elle ambitionne de vivre des ellipses de cinéma: les voitures ne se déchargent pas, les queues aux caisses n'existent pas, les ascenseurs ne s'attendent pas, les poubelles ne sont jamais pleines, les frigos jamais vides, les repas sont prêts, les valises se font seules, les plantes sont arrosées, les taxis sont libres...


Et soudain, elle dévore une nouvelle petite idée. Elle pense être la femme idéale la plus horripilante jamais connue. Elle apprécie le superlatif tout en rassemblant les miettes avec l'éponge.

Elle fait une petite coupe avec la main et les récupère au bord de la table, toutes collées. Elle les observe et décrète à haute voix : Insignifiantes mais chiantes, tout comme moi.






 

1 comentario:

  1. C'est à la fois doux et aussi acéré qu'une lame de rasoir... A quand le livre ?

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