lunes, 15 de octubre de 2012

Funérailles.


Funérailles.

 

Je vais vous raconter une anecdote qui décrit bien le personnage. Et vous avez le droit de rire, ce n’est pas interdit.

Les protagonistes sont une petite fille de dix ans, un grand frère, et leur maman.
Le lieu : un appartement du dixième étage d’une tour appelée Bagatelle. L’année : 1982.
Dialogues entre eux:
La petite fille : Dis c’est grand comment la tour Eiffel ?
Le frère : Ch’ai pas. Trois cents mètres.
La petite fille : Ouais d’accord mais c’est grand comme combien de tour Bagatelle ?
Le frère : Ben c’est beaucoup plus grand.
La petite fille qui insiste : Ouais mais combien ? Deux fois, trois fois. Combien ? Dis-moi.
La mère, elle, elle fait la vaisselle.
Le frère : Ch’ai pas moi, comme six fois, sept fois…
La petite fille : Et l’Arc de Triomphe ?
Le frère : Pffff...
La petite fille : Et la colonne Vendôme ?
Le frère : Euh…
La petite fille : Et le génie de la Bastille ? Et le Sacré Cœur ? C’est grand comment ?
Et les questions défilent, défilent. A la vitesse d’un cerveau d’enfant…
Le frère : T’as jamais vu Paris, toi ?
La petite fille : Ben non.

Et la mère fait la vaisselle. Il est dix heures du soir et c’est samedi.

Le frère : Prépare ton sac et on y va.
La petite fille : On y va ?
Le frère : Oui, on y va. Direction Panam.

Tout le monde monte dans la golf Gti, orange et toute pourrie. Les portières ferment avec des tendeurs. Trente minutes plus tard, ils sont tombés en panne. La voiture crachait des flammes par le pot d’échappement. Et de l’huile aussi. Les voitures qui suivaient avaient dû mettre leurs essuie-glaces. Ils en prenaient plein la poire. Et puis tous les cents kilomètres, il fallait remettre un bidon d’huile pour que le moteur n’explose pas. La mère faisait des chèques en bois dans chaque station-service. Ils ont mis des heures pour arriver à destination. Là-bas, ils ont tout vu : la tour Eiffel, l’Arc de Triomphe, le Moulin rouge, le Sacré Cœur…

En courant, ils ont monté et descendu les Champs-Élysées. La petite fille, accrochée au bras de son frère, volait derrière lui comme un fanion.

Il avait des grandes jambes et elle, des toutes petites. La mère elle, elle se plaignait. Elle avait mal à ses oignons. La petite fille a pris toutes les mesures possibles : combien de tour Bagatelle, l’Arc de Triomphe, combien de tour Bagatelle, la colonne Vendôme…

Et puis, ils ont pris le métro. Ils sont montés en première classe avec des billets de seconde. Ils se sont pris une amende. La mère a gueulé, parce que quand même. Et elle a fait un chèque en bois. Un de plus, un de moins.

Ils sont passés voir les avions à Orly. Y avait même le Concorde. Celui qui traverse l’Atlantique.

Et puis ils sont retournés à Bagatelle avec la golf Gti, orange et toute pourrie. Ils ont mis des heures. La petite fille, elle, elle est allée directement à l’école. Ils l’ont déposée devant la grille en passant. Ce jour-là, c’était expression écrite. Elle a rédigé un texte ou plutôt un traité scientifique intitulé, je vous le donne en mille, « Mesure des monuments de Paris en unité tour Bagatelle. »

La mère elle, elle, est retournée à ses casseroles. Tampon Jex et Solivaisselle.
Et lui, il est retourné à ses bidouillages.
La petite fille, aujourd’hui, c’est elle qui donne des rédac aux élèves. Mais pas trop souvent parce que c’est chiant à corriger.
La petite fille, aujourd’hui, elle habite de l’autre côté de la mer.
Elle prend des avions comme on monte dans les Golf Gti. Orange et toute pourrie. Elle a le goût des voyages et des ailleurs.

On ne sait pas d’où ça vient. On ne sait pas d’où ça sort. Bizarre.
La mère, elle, elle est partie récurer les casseroles de Saint Pierre, il y a bien longtemps déjà. Et lui ? Me direz-vous. Avec un point d’interrogation.

Eh bien, il est là, étendu devant nous. Hommage. Maintenant je ne dirai plus qu’une chose : 
Que la terre te soit légère et que les flammes te soient douces ! Je te salue grand frère et bon voyage.

 

 

 

No hay comentarios:

Publicar un comentario