Je
vais vous raconter une anecdote qui décrit bien le personnage. Et vous avez le
droit de rire, ce n’est pas interdit.
Les
protagonistes sont une petite fille de dix ans, un grand frère, et leur maman.
Le
lieu : un appartement du dixième étage d’une tour appelée Bagatelle. L’année : 1982.
Dialogues
entre eux:
La petite
fille : Dis c’est grand comment la tour Eiffel ?
Le frère :
Ch’ai pas. Trois cents mètres.
La
petite fille : Ouais d’accord mais c’est grand comme combien de tour Bagatelle ?
Le frère :
Ben c’est beaucoup plus grand.
La
petite fille qui insiste : Ouais mais combien ? Deux fois, trois
fois. Combien ? Dis-moi.
La mère,
elle, elle fait la vaisselle.
Le frère :
Ch’ai pas moi, comme six fois, sept fois…
La
petite fille : Et l’Arc de Triomphe ?
Le frère :
Pffff...
La petite
fille : Et la colonne Vendôme ?
Le frère :
Euh…
La petite
fille : Et le génie de la Bastille ? Et le Sacré Cœur ? C’est grand
comment ?
Et
les questions défilent, défilent. A la vitesse d’un cerveau d’enfant…
Le frère :
T’as jamais vu Paris, toi ?
La petite
fille : Ben non.
Et
la mère fait la vaisselle. Il est dix heures du soir et c’est samedi.
Le frère :
Prépare ton sac et on y va.
La petite
fille : On y va ?
Le frère :
Oui, on y va. Direction Panam.
Tout
le monde monte dans la golf Gti, orange et toute pourrie. Les portières ferment
avec des tendeurs. Trente minutes plus tard, ils sont tombés en panne. La
voiture crachait des flammes par le pot d’échappement. Et de l’huile aussi. Les
voitures qui suivaient avaient dû mettre leurs essuie-glaces. Ils en prenaient
plein la poire. Et puis tous les cents kilomètres, il fallait remettre un bidon
d’huile pour que le moteur n’explose pas. La mère faisait des chèques en bois
dans chaque station-service. Ils ont mis des heures pour arriver à destination.
Là-bas, ils ont tout vu : la tour Eiffel, l’Arc de Triomphe, le Moulin
rouge, le Sacré Cœur…
En
courant, ils ont monté et descendu les Champs-Élysées. La petite fille,
accrochée au bras de son frère, volait derrière lui comme un fanion.
Il
avait des grandes jambes et elle, des toutes petites. La mère elle, elle se plaignait.
Elle avait mal à ses oignons. La petite fille a pris toutes les mesures
possibles : combien de tour Bagatelle, l’Arc de Triomphe, combien de tour
Bagatelle, la colonne Vendôme…
Et
puis, ils ont pris le métro. Ils sont montés en première classe avec des
billets de seconde. Ils se sont pris une amende. La mère a gueulé, parce que
quand même. Et elle a fait un chèque en bois. Un de plus, un de moins.
Ils
sont passés voir les avions à Orly. Y avait même le Concorde. Celui qui
traverse l’Atlantique.
Et
puis ils sont retournés à Bagatelle avec la golf Gti, orange et toute pourrie.
Ils ont mis des heures. La petite fille, elle,
elle est allée directement à l’école. Ils l’ont déposée devant la grille en passant.
Ce jour-là, c’était expression écrite. Elle a rédigé un texte ou plutôt un
traité scientifique intitulé, je vous le donne en mille, « Mesure des
monuments de Paris en unité tour Bagatelle. »
La mère
elle, elle, est retournée à ses casseroles. Tampon Jex et Solivaisselle.
Et
lui, il est retourné à ses bidouillages.
La petite
fille, aujourd’hui, c’est elle qui donne des rédac aux élèves. Mais pas trop souvent
parce que c’est chiant à corriger.
La
petite fille, aujourd’hui, elle habite de l’autre côté de la mer.
Elle
prend des avions comme on monte dans les Golf Gti. Orange et toute pourrie.
Elle a le goût des voyages et des ailleurs.
On ne
sait pas d’où ça vient. On ne sait pas d’où ça sort. Bizarre.
La mère,
elle, elle est partie récurer les casseroles de Saint Pierre, il y a bien
longtemps déjà. Et lui ? Me direz-vous. Avec un point d’interrogation.
Eh bien,
il est là, étendu devant nous. Hommage. Maintenant je ne dirai plus qu’une
chose :
Que la terre te soit légère et que les flammes te soient douces ! Je te salue grand frère et bon voyage.
Que la terre te soit légère et que les flammes te soient douces ! Je te salue grand frère et bon voyage.
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