Liberté
Le corps est un contenant instable. Il est modifié par
le temps, les accidents, les maladies. Il nous échappe sans cesse. Pour se l’approprier,
le contrôler, nous avons besoin parfois de le modifier et ainsi, devenir le créateur
de cette figure qui nous fut imposé dès la naissance. Nous sommes prisonniers
de cet emballage et nous agissons sur lui pour nous libérer.
Existence
Le corps devient matériau de création et les
modifications que nous lui infligeons se chargent de signification. La douleur
fait partie du processus. Il nous permet de prendre conscience de notre propre
existence. Pendant cet acte, nous avons la sensation brutale d’être présent
ici et maintenant.
Espace,
temps
La modification apporte une nouvelle identité, redéfinit
l’être. L’extérieur modifie l’intérieur. Les frontières dedans – dehors changent,
l’avant – après se réaffirme. Le corps ne sera plus jamais le même. On peut le
rapprocher de la perte de la virginité. C’est un rite de passage, une nouvelle
construction du moi.
Végétal, animal, humain
Le corps est notre
partie animale, le lien avec la nature. Quand on le modifie, il
devient plus humain. Il s’acculture. J’ai décidé d’intervenir des fruits et des
légumes afin qu’ils obtiennent ce statut d’humain sous l’action du bistouri. Lorsqu’ils
n’étaient que végétaux, je ne leur prêtais pas attention. Je les coupais en
rondelles et les jetais dans la casserole. C’était également une modification
corporelle mais sans signification, sans conscience. Quand je tatoue un maïs, le
végétal disparait peu à peu et l’acte lui confère une humanité. Quand ma main n’est
pas sure, je crains de faire souffrir le légume.
J’ai transgressé les normes et j’ai traversé une frontière :
lorsque l’employé de maison a découvert les légumes dans le réfrigérateur, elle
a pris peur : « Ce doit être l’œuvre d’un démon, je ne les
cuisinerai pas ! »
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